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SÉNÉGAL: VIOLENCES SUITE À LA CONDAMNATION DE L’OPPOSANT OUSMANE SONKO, 15 MORTS

Dimanche 4 Juin 2023

4 juin 2023 par Nicolas Lepetit

Depuis jeudi, des conflits entre les forces de sécurité et les protestataires ont entraîné la mort de 16 personnes, tandis que l’opposant au président Macky Sall risque de se voir interdit de participer à l’élection présidentielle prévue dans quelques mois.

Une crise violente a éclaté au Sénégal suite à la décision de justice de condamner l’opposant politique Ousmane Sonko à deux ans de prison. Depuis le 1er juin, des affrontements ont lieu entre les partisans de Sonko et les forces de sécurité, faisant 16 morts. Cette situation survient en raison de la condamnation de Sonko, candidat à la présidentielle de 2024 et adversaire du président sénégalais Macky Sall.

Des violences entre forces de l’ordre et manifestants…

Les affrontements ont commencé le jeudi au Sénégal, notamment à Dakar, la capitale, et à Ziguinchor, dans le sud du pays. Neuf personnes ont été tuées lors de cette journée d’insurrection, selon le ministre de l’Intérieur Antoine Diome. Des groupes de jeunes ont affronté les forces de l’ordre à l’université de Dakar, qui est devenue un champ de bataille.

Plusieurs bus appartenant à la faculté de médecine, au département d’histoire et à la principale école de journalisme du pays ont été incendiés et des bureaux saccagés. En réponse à ces actes, le syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) a fermement condamné le saccage des universités et a appelé l’État à « jouer pleinement son rôle de garant des libertés individuelles et collectives », rapporte l’Agence de presse sénégalaise (APS).

De nombreuses routes du pays ont également été bloquées et la circulation de certains transports en commun a été interrompue, selon RFI. Les autorités, après avoir observé « des dérives » et « la diffusion de messages haineux et subversifs », ont restreint l’accès aux réseaux sociaux dans le pays et lancé un appel au calme.

Des heurts ont de nouveau opposé de petits groupes de jeunes manifestants aux forces de l’ordre à Dakar, dans la banlieue de la capitale et dans le sud du pays. Le ministère de l’Intérieur a recensé « six décès » dans la journée du 2 juin, et un autre décès samedi, portant à 16 le nombre de morts depuis jeudi.

… après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko

Les violences ont éclaté après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko, 48 ans, candidat à l’élection présidentielle 2024, à deux ans de prison ferme. Arrivé troisième lors du scrutin de 2019, cet adversaire farouche du président Macky Sall a été condamné pour « corruption de la jeunesse », un délit qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans.

Sonko était accusé de viols et de menaces de mort sur une employée d’un salon de beauté, Adji Sarr, où il allait se faire masser entre 2020 et 2021. Toutefois, il a été acquitté de ces deux chefs d’accusation par la chambre criminelle du tribunal de Dakar, rapporte l’APS.

« Ma cliente, tout comme moi, n’est pas satisfaite totalement, elle aurait voulu une condamnation d’Ousmane Sonko à la peine attendue dès lors que le contact sexuel n’est pas rejeté », a déclaré l’avocat de la jeune femme, Me El hadji Diouf, selon le média sénégalais Le Quotidien.

Un appel à manifester lancé par Ousmane Sonko, qui se dit « séquestré »

Suite à ce jugement jeudi, le bureau national de Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, a dénoncé un « complot ourdi par Macky Sall et ses sbires » et a appelé « le peuple sénégalais » à « descendre dans la rue », tout en demandant aux « forces de l’ordre et à l’armée de se mettre de son côté ».

Dans la nuit de lundi à mardi, l’opposant politique, qui n’était pas présent à son procès, est sorti de son silence. Il se dit « séquestré » et a appelé ses compatriotes à manifester « massivement ». Ousmane Sonko serait bloqué chez lui à Dakar par les forces de sécurité depuis dimanche et pourrait désormais être arrêté « à tout moment », selon le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall.

Une possible inéligibilité, à neuf mois de la présidentielle

L’issue de ce procès est très politique puisque la condamnation d’Ousmane Sonko pourrait entraîner son inéligibilité, l’empêchant ainsi de se présenter pour le prochain scrutin présidentiel, prévu le 25 février 2024. Son éligibilité avait déjà été mise en péril par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation envers un ministre.

« Que tous les Sénégalais le sachent : Ousmane Sonko ne peut plus être candidat », a affirmé l’un de ses conseils, l’avocat Bamba Cissé. Si elle est actée, cette inéligibilité pourrait ouvrir la voie à un troisième mandat controversé de Macky Sall. Avant lui, deux autres concurrents du président sortant, Khalifa Sall (sans lien de parenté), condamné pour détournement de fonds publics, et Karim Wade, condamné pour enrichissement illicite, ont vu leur trajectoire interrompue par les affaires judiciaires ces dernières années.

Déjà des affrontements mortels en 2021

Depuis février 2021, date du début de l’affaire, la plupart des rendez-vous d’Ousmane Sonko avec la justice ont donné lieu à des incidents et des heurts. En mars 2021, son interpellation sur le chemin du tribunal où il se rendait en cortège a contribué à déclencher les pires émeutes depuis des années. Quatorze personnes avaient alors été tuées, dont douze à la suite de tirs par balles des forces de défense et de sécurité, selon le bilan dressé par plusieurs ONG, dont Amnesty International


Sambou Biagui




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