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LA CHRONIQUE DE DEMBA NDIAYE: "On ne dissout pas une idée. On n’efface pas de la mémoire des peuples l’espoir qu’une autre vie est possible"




L’homme de la deuxième alternance vient de nous faire faire un épouvantable bond en arrière de 62 ans en décrétant la dissolution d'un parti reconnu. Il reste qu'on ne dissout pas une idée.
Mon pays, le Sénégal, vient de faire un bond en arrière de 62 ans. En effet, c’est en 1961 que le président Senghor avait dissous le parti africain de l’Indépendance (PAI).

Il ne s’agit pas d’un acte mineur, mais à bien des égards, un séisme de magnitude 62. Soixante-deux ! C’est l’âge responsable, l’âge d’une indépendance qui depuis, bon an mal an, nous promettait des avancées, à l’image de Paris en l’an 2000 comme le rêvait Senghor ; l’âge durant lequel notre pays a acquis le faux label (on le sait aujourd’hui) d’une République exceptionnelle dans un crique englué, défiguré par des bruits de bottes et des partis uniques aux régimes quasi éternels. Nous nous sommes même payés le luxe de snober la décennie 90 avec ses conférences nationales pour entrer dans le cercle des démocraties.

Nous donnâmes l’exemple que les partis uniques et leurs régimes sans fin n’étaient pas une fatalité, mais des faits et des actes d’hommes accidentels dans l’histoire chaotique d’une Afrique bégayante : les alternances politiques étaient possibles. À défaut d’alternatives.

L’homme qui conduisit cette deuxième alternance est aussi celui qui, l’Histoire le retiendra, vient de nous faire faire un épouvantable bond en arrière de 62 ans en décrétant la dissolution du Pastef, un parti politique reconnu, et qui fait partie de ceux (sinon le seul) qui se conforment aux textes régissant les partis : bilan financier annuel, information, etc. Il serait intéressant d’ailleurs, pour la transparence et la vérité, que le ministère de l’intérieur communique sur les partis qui respectent les textes. Parce que leur non-respect peut être un motif de dissolution.

Il y a aussi des faits qui entrent mal dans le registre des coïncidences : arrestation vendredi de son président ; son inculpation le lundi suivant et, la dissolution de son parti le même jour, moins de deux heures après son placement sous mandat de dépôt. Difficile de croire que cette célérité relève du hasard, encore moins de notre administration qu’on n’a pas connue si prompte dans ses tâches et ses actes.

C’est aussi une coïncidence si cet emprisonnement et cette dissolution n’ont aucun rapport avec l’élection présidentielle prévue dans sept mois. Honni qui mal y pense… Évidemment, notre pays va encore alimenter les conversations dans les grands-places, facs, marchés et autres réseaux sociaux. Depuis juin, nous étions sous les projecteurs inquisiteurs et éclairants du monde entier, pour de mauvaises raisons. Nous n’avons pas fini d’occuper la première place du podium des Républiques décadentes.

On glosera de l’exceptionnelle décadence d’une démocratie qui se prétendait le premier d’une classe de cancres. Certains verront leurs certitudes fortifiées : « la démocratie n’est pas faite pour les Nègres, ces grands garçons qui ont besoin d’hommes forts pour les dresser avec la trique, la cravache et le cachot pour ceux qui s’obstinent à vouloir sortir des clous jalonnés par le bien-aimé monarque éclairé ». Les amis faux-culs d’hier éprouveront une secrète joie que le petit prétentieux qui leur faisait de l’ombre leur laisse la voie libre.

Mais on le sait depuis que les hommes ont acquis des convictions, dont celle plus tenace et qui balise leur vie : on ne dissout pas une idée. On n’efface pas de la mémoire des peuples l’espoir qu’une autre vie est possible.

Une nouvelle période pleine d’incertitudes s’ouvre pour le pays. Et on aurait tort de croire que cette nouvelle période coulera comme un long fleuve tranquille. C’est une période pleine d’incertitudes, grosse de tous les possibles. Et je l’avoue : j’ai de moins en moins envie de vivre dans un tel pays.

Sambou Biagui




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« Une position incohérente et hypocrite », Capitaine Touré recadre Me Youm après sa déclaration sur l’amnistie

L’ancien capitaine de la gendarmerie et actuel Directeur général de l'Agence d’Assistance à la Sécurité de Proximité (ASP), Seydina Oumar Touré, a vivement critiqué la récente prise de position de Me Oumar Youm, ancien ministre sous le régime de Macky Sall.

S’exprimant sur la polémique autour de la loi interprétative qui sera soumise au vote le 2 avril à l’Assemblée nationale, Seydina Oumar Touré s’étonne de l’attitude de l’ancien ministre, qu’il juge contradictoire avec son propre engagement politique. « J’ai parcouru le texte de Maître Oumar Youm, ancien ministre du Président Macky Sall. Je trouve sa position très paradoxale, c’est à la limite une négation de son appartenance politique », a-t-il déclaré.

Me Youm, de son côté, dénonce cette loi interprétative qu’il considère comme une reconnaissance implicite des crimes et délits imputés aux membres du PASTEF. Il estime qu’au lieu d’abroger la loi d’amnistie promise, le pouvoir en place propose un texte « indigeste » visant, selon lui, à protéger des « délinquants » au détriment de ceux qui ont défendu la République.

En réponse, Seydina Oumar Touré remet en question la cohérence de la démarche de Me Youm, rappelant que cette loi a été adoptée sous son propre gouvernement. « Faire voter une loi par son parti en marge des canaux appropriés, en moins d’une année, et ‘espérer’ son abrogation, tout en reprochant au régime en place de ne pas l’avoir abrogée, me paraît incroyablement incohérent et foncièrement hypocrite », a-t-il asséné.

Allant plus loin dans son analyse, l’ancien officier de la gendarmerie accuse l’ancienne majorité, aujourd’hui dans l’opposition, de manquer de respect au peuple sénégalais. « Aujourd’hui plus que jamais, le pouvoir de jadis, opposition actuelle, repousse inexorablement les limites de l’irrespect et du manque de considération vis-à-vis du peuple souverain », a-t-il conclu.