Lorsque Juan Branco fait irruption, dimanche 30 juillet, au milieu de la conférence de presse tenue par ses confrères de la défense de l’opposant Ousmane Sonko, même ces derniers mettent un instant à comprendre ce qui se passe. « Personne ne l’attendait », confie Me Etienne Dione. Passé la surprise, le malaise gagne la salle. L’avocat français prend la parole, bousculant l’ordre préalablement établi ; derrière lui, Me Ciré Bathily cache mal son agacement, avant d’être calmé par ses collègues.
Juan Branco finit son discours, tirade d’une dizaine de minutes en partie consacrée au procureur de la République Abdoul Karim Diop. Vendredi, le magistrat a fait interpeller Ousmane Sonko, mais il pourrait aussi être amené à arrêter l’avocat lui-même. La justice sénégalaise a en effet annoncé, le 14 juillet, qu’elle lançait un mandat d’arrêt international contre Juan Branco pour des « crimes et délits » en lien avec les troubles de début juin. « Me voilà. Je n’ai pas l’âme d’un fugitif », lance le Français, avant d’être évacué dans la précipitation.
Abdoul Karim Diop semble avoir immédiatement répondu à la bravade : sur ordre du procureur, les forces de l’ordre se sont mises aux trousses de Juan Branco, devenu introuvable. Toute la nuit de dimanche à lundi, la Sûreté urbaine et la Division des investigations criminelles (DIC) ont cherché l’avocat, se rendant notamment au domicile d’Ousmane Sonko. En vain.
Grève de la faim
Au Sénégal, l’apparition surprise de Juan Branco à Dakar est vécue comme un affront par le parti au pouvoir. « C’est une faillite monumentale [des services de renseignement]. Comment se fait-il qu’aucun agent n’ait été posté à la conférence de presse des avocats de Sonko, à la veille du déferrement de ce dernier ? », s’agace un membre de la coalition présidentielle.
Juan Branco a, quelques instants, ravi la vedette à Ousmane Sonko, qui devait être au centre de l’allocution de ses avocats, dimanche, alors qu’un mandat de dépôt doit être délivré à son encontre. La défense de l’opposant, poursuivi pour sept nouveaux chefs d’accusation, juge que sa garde à vue est illégale. Le procureur de la République a de son côté assuré que ce nouveau dossier n’avait « aucun lien avec la procédure » liée à Adji Sarr. Accusé de viol par cette employée d’un salon de massage, Ousmane Sonko a finalement été condamné à deux ans de prison ferme, début juin, pour « corruption de la jeunesse ». Cette peine fait peser un doute sur son éligibilité à l’élection présidentielle, prévue en février 2024.