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Présidentielle 2024 au Sénégal : ça sent très mauvais, les experts alertent

Vendredi 3 Novembre 2023

Moundiaye CISSÉ, directeur exécutif ONG 3D, pointe du doigt le ministre de l’Intérieur

«Le principal responsable de cette situation, c’est le ministre de l’Intérieur lui-même puisque ce sont ses services centraux qui sont visés dans cette affaire. Ce n’est ni la Direction générale des élections (Dge) encore moins la Direction de l’automatisation du fichier (Daf) puisque c’est lui, le ministre de l’Intérieur à qui le ministère de la Justice avait transmis les documents relatifs à la condamnation de Sonko et c’est lui qui a saisi la Daf et la Dge pour exécution de la mesure de radiation sur la base de ces documents de condamnation transmis par son collègue Aujourd’hui, après cette décision du président du tribunal d’instance de Ziguinchor qui a pris le soin d’envoyer une notification au préfet de Ziguinchor conformément aux dispositions du Code électoral, le ministère de l’Intérieur devait immédiatement prendre un courrier pour refaire la même chose qu’il avait fait quand il a reçu la lettre de son collègue en charge de la Justice. Car, depuis le début de cette histoire, la Dge semble nous dire qu’elle n’est pas compétente pour réintégrer quelqu’un dans le fichier électoral. Donc, le silence du ministre de l’intérieur depuis le début de cette affaire est très inquiétant et impréhensible. A mon avis, les gens se trompent parfois de cible parce que c’est la Daf qui est directement sous tutelle du ministère de l’intérieur qui a la prérogative de réintégrer Sonko dans le fichier électoral. Puisque c’est elle qui, après avoir exécuté la mesure de radiation de Sonko dans le fichier sur instruction du ministère de l’Intérieur avait notifié à la Dge cette mesure. Aujourd’hui, il faut donc que la Daf respecte le parallélisme des formes en notifiant la réintégration de Sonko dans le fichier à la Dge afin que cette dernière puisse remettre à son mandataire au parrainage la fiche et la clé. Donc, tout ceci pour dire, c’est le ministre de l’Intérieur qui est le principal responsable de cette situation. Ensuite, si la Cena est conséquente avec elle-même, elle devait s’adresser directement au ministre de l’Intérieur pour lui demander que le nécessaire soit fait. Et si, elle (Cena) constate qu’elle n’a reçu de réponse positive au bout de 48 heures ou 72 heures après sa mise en demeure, elle n’a qu’à se substituer comme le recommande les dispositions de l’article 6 du Code électoral à la Dge pour donner au mandataire de Sonko une fiche, une clé USB. Et c’est tout ! Car, cette situation ne fait que renforcer le doute et créer une rupture de confiance entre acteurs politiques, le ministère de l’intérieur et l’administration en charge des élections. Et cette rupture de confiance pourrait être lourde de conséquence en ce sens qu’on est en train de poser les germes d’une contestation pré-électorale, électorale et même post-électorale. On est là en situation de prémices contestations pré-électorales, électorales et même post-électorales parce que justement l’administration est en train de subir le retour de tutelle. Aujourd’hui, aussi bien la Cena que l’administration, elles sont toutes deux en train de se discréditer».

Valdiodio Ndiaye expert électoral

Présidentielle 2024 au Sénégal : ça sent très mauvais, les experts alertent

 

« La loi, elle est très simple et très claire. C’est-à-dire une ordonnance de rétablir ses droits qui a été introduite par Sonko au niveau du tribunal de Ziguinchor. Le juge a donné raison à Ousmane Sonko en émettant évidemment une ordonnance pour qu’il soit réintégré sur les listes et qu’on lui donne les fiches de parrainages », a expliqué Valdiodio Ndiaye, expert électoral, sur les ondes de Sud FM (privé). Et d’ajouter «Nous savons qu’en matière administratif, les recours n’ont pas un effet suspensif. A partir de ce postulat-là, la DGE devait simplement s’exécuter ».

Mais en l’espèce, «la DGE a fait ce qu’on peut considérer comme du dilatoire », a-t-il soutenu. Selon l’expert électoral, « les avocats de Sonko se sont adressés à la CENA conformément aux dispositions légales du code électoral. Parce que nous savons que la CENA a un rôle de supervision. Et à la limite même de substitution quand les institutions en charge d’organiser les élections sont défaillantes ». « Aujourd’hui, ce qui peut se faire dans un premier temps, la CENA a fait une injonction assez courtoise à la DGE. Maintenant, si la DGE ne s’exécute pas, il est logique et normal que la CENA se substitue à la DGE pour remettre Ousmane Sonko dans ses droits. La CENA a le pouvoir de se substituer en un organe en charge d’organiser les élections si cet organe est garant dans la mise œuvre », a estimé M Ndiaye.

D’ailleurs, il souligne que « ce n’est même pas la DGE qui doit réintégrer Sonko sur les listes électorales, c’est la DAF sur injonction du ministère de l’intérieur. Parce que c’est la DAF qui gère le fichier électoral. Et la DGE travaille au coude à coude avec la DGE. Le travail qui doit se faire à partir du ministère de l’intérieur.» « Quand on est légaliste, on doit remettre les fiches à Sonko. Ensuite, attendre la décision de la cour suprême », indique Valdiodio Ndiaye. « Ne pas dépasser les lignes rouges»

A la question de savoir quels impacts ces actes peuvent avoir sur le processus globalement en termes de conflits pré et postélectoraux, il répond : «ce sont de petits détails qui risquent d’élever le niveau de suspicions sur les organes en charge des élections. Ce n’est pas bon pour une élection. Parce que les organes en charge d’organiser les élections doivent gagner la confiance des différents acteurs politiques pour qu’ils puissent jouer réellement leur rôle d’organisateurs et d’arbitre du processus. Je pense qu’il faut vraiment qu’on n’en a arrivé à régler cette affaire, à ne pas dépasser les lignes rouges».


Ndiaga Sylla expert électoral, président du cabinet Expertise Electorale

« La Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) a usé de son pouvoir d'injonction, avec courtoisie, à la suite de la saisine par les conseils du candidat Ousmane Sonko. L'on ne pouvait douter d'une telle décision au vu des dispositions pertinentes des articles L.6 et L.13 du Code électoral relativement à la mission et aux compétences de la Cena, l'organe de contrôle et de supervision des opérations électorales et référendaires. Mais, il est regrettable que la DGE persiste dans son refus d'exécuter l'ordonnance du juge et l'injonction de la CENA. Plus triste quand notre administration électorale joue au dilatoire dans l'espoir d'une décision de la Cour suprême qui justifierait son acte illégal. Il suffisait que le ministre de l’Intérieur, chargé des Élections, commande pour que les services centraux (DGE et DAF), qui ont précédé à la radiation d'office, intègrent automatiquement l'électeur concerné. Non ! On ne sait plus qui fait quoi ! Le Président de la République aurait-il la compétence d'intégrer ou non un électeur radié des listes électorales ? Cette situation, née du contentieux de l'inscription sur les listes électorales qui du reste est pourtant bien encadré par la loi électorale, révèle les limites de notre modèle de gestion électorale. Alors que le Sénégal a connu avec son modèle mixte deux alternances politiques pacifiques, il ne serait pas insensé de prédire un recul démocratique de 30 ans. En tout état de cause, cela présage un mauvais signe quant à la neutralité de l'administration électorale tant vantée ».

Alioune Tine, président de AfrikaJom Center

«La Direction Générale des élections (DGE) qui refuse de respecter la Décision du juge et l’injonction de la Commission électorale nationale autonome (Cena), une régulation et un arbitrage du processus électoral impuissants à faire respecter la loi électorale par l’administration. Le Directeur Général des élections est disqualifié par son attitude qui consiste à refuser délibérément les décisions des organes de régulation des élections. Ces incidents ne sont pas mineurs pour un enjeu électoral aussi important que l’élection présidentielle. Il faut éviter des conséquences imprévisibles de cette attitude sur la Campagne électorale, sur le scrutin ou la situation post-électorale. Si les normes juridiques et les décisions des institutions de régulation des élections ne sont pas respectées par l’administration, cela met en risque la régularité et la transparence du processus électoral.

C’est une transgression de l’Etat de droit et du suffrage universel. Depuis la découverte du pétrole et du gaz, nous assistons à la dégradation de la démocratie, de l’Etat de droit, et surtout la crise de l’élection, de la gouvernance et de la sécurité, le Sénégal n’échappe pas à cette tendance. Il faut absolument que les acteurs politiques et de la société civile s’engagent dans un dialogue pour trouver un consensus pour un processus électoral crédible, transparent et inclusif.

Car, objectivement, cette résistance de la Dge donne à voir une volonté d’exclure coûte que coûte Ousmane Sonko de la présidentielle, donc de rejeter toute décision juridique ou de la Cena susceptible de restaurer son éligibilité. Nous devons absolument éviter que le Sénégal connaisse la rupture démocratique connue dans certains pays de la sous-région. Car tous les ingrédients qui ont fait basculer certains de ces pays s’accumulent : arrestations et détentions, transgression des lois par l’administration, exclusion arbitraire d’un candidat sérieux de l’opposition à l’élection présidentielle. Il faut s’arrêter et dialoguer, ce forcing nous mène droit au mur. La Dge répond à la Cena : La Direction générale des élections maintient sa position et insiste sur "le défaut de présence de Sonko sur le fichier électoral"».


Sambou Biagui




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