D. n° 2022-1538, 12 août 2022, modifiant et complétant le décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics : JORS n° 7555, 13 août 2022
Depuis 2012, les autorités publiques ont fait de la « gestion sobre et vertueuse » une règle dans la conduite des affaires de la cité. C’est dans ce sens qu’ont été engagées des poursuites judiciaires à l’encontre de personnalités politiques pour détournement de deniers publics et enrichissement illicite. Mieux, le législateur sénégalais, dans sa volonté de faire face à la fraude et à la corruption, a mis en place l’office national de lutte contre la fraude et la corruption1 avant d’adopter une loi relative à la déclaration de patrimoine2 .
Aujourd’hui, malgré l’actualité brûlante relative aux scandales d’enrichissements illicites à travers les marchés publics, un secteur stratégique à énorme enjeu financier a été ôté du champ du Code des marchés publics en violation flagrante de la charte de transparence et d’éthique en matière de marchés publics. Au point de ne pas même citer son décret d’approbation3 parmi les visas du nouveau décret n° 2022-1538 du 12 août 2022 modifiant et complétant le décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics. N’est-ce pas là un coup dur pour la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des ressources publiques, gage de crédibilité de l’État aux yeux de ses différents partenaires et de ceux des citoyens ?
En effet, ladite charte de transparence et d’éthique rappelle qu’il est impérieux de bâtir un cadre des finances publiques apte à garantir la transparence dans l’attribution des marchés publics et l’efficacité dans la gestion des ressources publiques, sachant que ces marchés constituent un baromètre pertinent du degré d’engagement des pouvoirs publics en matière de transparence et d’efficacité. Pourtant, l’État justifie l’instauration d’un régime dérogatoire pour les activités des sociétés publiques du secteur de l’énergie (Senelec, Petrosen holding, Petrosen Exploration/Production, Petrosen Trading and Services, société africaine de raffinage, réseau gazier du Sénégal et institut national du pétrole et gaz), par souci d’efficacité avec la réduction des délais d’acquisition des biens et services, afin de ne pas exposer lesdites sociétés à des « goulots d’étranglement » aux conséquences néfastes.
C’est pourquoi le décret n° 2022-1538 du 12 août 2022 dispose, en son article premier, que les autorités contractantes, sociétés publiques en charge de l’application de la politique pétrolière, de l’exploration, de l’exploitation des ressources pétrolières, gazières, du raffinage et de la commercialisation des produits pétroliers et gaziers, de la construction, de l’exploitation et de l’entretien d’infrastructures de transport et de distribution du gaz naturel, de la production, du transport, de la distribution d’énergie électrique, selon leurs activités, peuvent, sans appliquer les procédures prévues par le Code des marchés publics4 , acquérir des biens et services nécessaires à la conduite de leur mission. Il faut reconnaître qu’il s’agit essentiellement des activités qui concernent le pétrole et le gaz dont la production, au Sénégal, est attendue à l’horizon 2023.