Pointe Sarène, Nianing, Warang : l’insécurité, une épine dans le développement du tourisme sénégalais

Mardi 21 Janvier 2025

Une attaque qui révèle une fragilité inquiétante

 

Le braquage de l’hôtel Riu Baobab, survenu dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 janvier, a mis en lumière les limites de la sécurité sur la Petite-Côte sénégalaise. Les malfaiteurs, lourdement armés, ont emporté une somme estimée à 12,1 millions de francs CFA, semant la panique dans cette zone touristique clé. Cet incident marque un tournant inquiétant, non seulement pour les opérateurs touristiques, mais aussi pour les autorités, confrontées à la montée en flèche de la criminalité dans cette zone pourtant destinée à devenir l’un des fleurons de l’économie nationale.

 

Ce n’est pas un simple fait divers, mais un symptôme d’un problème plus profond. Alors que le Sénégal s’est engagé dans un vaste plan de développement touristique, visant notamment à transformer Pointe Sarène en un pôle d’excellence, l’insécurité vient ébranler les efforts consentis. Ce drame pose la question fondamentale : à quoi bon investir dans des infrastructures modernes si la sécurité, prérequis essentiel pour tout développement touristique, est négligée ?

 

 

La Petite-Côte a toujours occupé une place de choix dans la stratégie touristique du Sénégal. Avec l’arrivée de grandes enseignes comme le groupe RIU et l’implantation d’hôtels de luxe tels que le Riu Baobab, la région se positionne comme une destination incontournable pour les visiteurs étrangers, principalement européens.

 

Ces investissements massifs, atteignant des milliards de francs CFA, n’ont pas seulement pour objectif de renforcer l’attractivité du Sénégal sur le marché international. Ils visent également à créer des emplois locaux, améliorer les infrastructures et stimuler une économie régionale tournée vers l’hôtellerie, la restauration, et les activités balnéaires. Cependant, l’insécurité qui s’installe dans la zone risque de compromettre ces ambitions, en mettant en péril la confiance des touristes et des investisseurs.

 

Les attentes placées dans ce projet ne sont pas uniquement économiques. Le succès de Pointe Sarène pourrait servir de modèle pour d’autres zones touristiques du pays, consolidant ainsi la vision d’un Sénégal comme acteur majeur du tourisme en Afrique de l’Ouest. Mais à l’heure actuelle, cette vision semble entravée par une gestion approximative des questions sécuritaires.

 

Des efforts en demi-teinte sur la sécurité

 

L’État sénégalais avait pourtant pris des mesures pour sécuriser la zone. Une Brigade de gendarmerie moderne a été inaugurée à Nianing, avec des bâtiments neufs destinés à accueillir des effectifs capables de répondre aux besoins d’une zone touristique en plein essor. Cependant, cette initiative a été rapidement vidée de sa substance : la brigade ne dispose aujourd’hui que d’un seul véhicule tout-terrain et d’un quad pour couvrir un territoire s’étendant sur des dizaines de kilomètres.

 

En termes de ressources humaines, la situation est tout aussi critique. Avec un effectif insuffisant, la gendarmerie de Nianing est incapable de mener des patrouilles régulières ou de répondre rapidement aux urgences. Une situation qui devient d’autant plus problématique lorsque l’on considère que cette zone accueille des milliers de touristes, des résidences de luxe, et même des personnalités influentes, comme l’acteur et cinéaste franco-sénégalais Omar Sy.

 

Une criminalité en plein essor

 

Les failles sécuritaires dans la zone ont ouvert la voie à une recrudescence des activités criminelles. Cambriolages, braquages et agressions en plein jour sont devenus monnaie courante, transformant la Petite-Côte en un véritable point noir pour les habitants et les visiteurs.

 

Un incident récent à Nianing illustre cette dérive : un ressortissant étranger a été violemment agressé en pleine journée, un acte qui témoigne de l’audace croissante des malfaiteurs. Ces derniers profitent de l’incapacité des forces de l’ordre à intervenir rapidement, laissant les habitants et les touristes dans un sentiment constant d’insécurité.

 

Cette situation nuit directement à l’image de la zone , jusque-là perçue comme un lieu de sérénité et de détente. Elle affecte également la confiance des investisseurs, qui commencent à se poser des questions sur la viabilité de leurs projets dans une zone où l’État peine à garantir des conditions minimales de sécurité.

 

Les enjeux économiques d’une crise sécuritaire

 

Le tourisme représente l’un des principaux piliers de l’économie sénégalaise, contribuant à hauteur de 7 % au PIB national et employant des milliers de personnes. La Petite-Côte, avec ses stations balnéaires prisées comme Saly, Somone et Pointe Sarène, joue un rôle central dans ce secteur stratégique.

 

Cependant, l’insécurité pourrait avoir des conséquences dévastatrices :

1. Fuite des touristes : La sécurité est l’un des premiers critères de choix pour les touristes internationaux. Une réputation entachée par des actes criminels pourrait entraîner une baisse drastique des arrivées.

2. Recul des investissements : Les opérateurs hôteliers et les investisseurs étrangers pourraient se détourner du Sénégal, considérant la région comme risquée pour leurs activités.

3. Impact sur l’emploi local : Moins de touristes signifie moins de revenus pour les hôtels, les restaurants, et les guides touristiques, menaçant ainsi des milliers d’emplois.

 

Quelles solutions pour enrayer la spirale ?

 

Pour inverser cette tendance inquiétante, des mesures urgentes et concrètes doivent être mises en place :

• Renforcement des effectifs et des moyens matériels : La Brigade de Nianing doit disposer de véhicules supplémentaires, d’équipements modernes (drones, radios, caméras de surveillance), et d’un personnel suffisant pour couvrir efficacement la zone.

• Collaboration avec le secteur privé : Les opérateurs hôteliers pourraient être impliqués dans le financement de dispositifs de sécurité, comme l’installation de systèmes de vidéosurveillance ou le recrutement de vigiles privés.

• Plan global de sécurisation de la Petite-Côte : L’État pourrait élaborer un plan stratégique intégrant non seulement la gendarmerie, mais aussi les communautés locales, pour une réponse coordonnée face aux défis sécuritaires.

• Campagnes de sensibilisation : Informer les habitants sur les moyens de prévenir les actes criminels et les encourager à collaborer avec les forces de l’ordre.

 

Un test décisif pour l’avenir du tourisme au Sénégal

 

Le développement de Pointe Sarène et des autres localités de la Petite-Côte représente bien plus qu’un projet économique. Il s’agit d’une vitrine du Sénégal moderne, capable d’attirer des touristes, de générer des revenus substantiels, et de rivaliser avec les grandes destinations africaines.

 

 
Cependant, sans une réponse ferme et immédiate à la crise sécuritaire, ces ambitions risquent de s’effondrer, laissant place à un sentiment de gâchis pour les opérateurs et les citoyens. Plus que jamais, l’État est appelé à agir pour restaurer la confiance et garantir un avenir serein à cette zone aux potentialités immenses.